Une ferme école engagée pour l’agrocécologie au Togo

Communauté- SOLIDARITÉ

Lors du 6e Congrès international de Fondacio, au Togo, un groupe de congressistes s’est immergé, le mardi 2 mai 2023, dans le projet de la ferme-école de Dalavé. Fondée par le professeur Agbati, entrepreneur, ingénieur et enseignant-chercheur, la Feab est un lieu d’expérimentation pour améliorer le quotidien des foyers togolais avec les moyens du bord, dans le respect de la nature. Elle est partenaire de projets soutenus par Fondacio qui utilisent ses technologies. 

Reportage

« Je suis né à 25 minutes d’ici. J’ai suivi ma mère aux champs dès 4 ans. A 7 ans, je cultivais mes petits champs de patates douces. » Le professeur Koffigan Agbati, ingénieur togolais, chef d’entreprise et enseignant-chercheur à l’université de Lomé, poursuit : « Après des études en énergie nucléaire, je suis revenu chez moi pour transformer ce petit hameau en un gros champ. Il est temps que nous revenions à la terre. J’ai choisi un des endroits les plus propices au Togo car, ici, convergent deux vents : la mousson et l’harmattan. »

Le professeur, directeur de TMSU international, entreprise à vocation sociale, bâtit son projet à Dalavé, à 30km au nord de Lomé. La ferme-école agroécologie et bioénergie (Feab) sort de terre en 2015. Ce laboratoire de recherche et développement (R&D) est soigneusement organisée en plusieurs îlots. Ils sont soit cultivés (légumes, plantes, tubercules), soit réservés à l’élevage (canards, chèvres, poules, poissons) ou à des ateliers de fabrication (foyers améliorés).

On y trouve partout des prototypes : purificateur d’eau, composteur modélisé (dégradation des matières en deux semaines au lieu de trois mois), système d’extraction d’huiles essentielles… « La Feab est née d’un simple constat : l’autonomie de l’homme et des énergies. Nous avons créé un système intégré. »

Un cercle vertueux

Pour cela, le professeur et ses équipes ont misé sur le développement des bioénergies, qui font partie de la grande famille des énergies renouvelables. « Nous avons par exemple mis au point un séchoir solaire (pour les légumes, céréales, tubercules…), une citerne de carbonisation et un système de géothermie. Nous captons aussi la chaleur du soleil par des miroirs », précise Koffigan Agbati. En parallèle, la ferme-école utilise des panneaux solaires pour pomper l’eau à plus de 93 mètres de profondeur. Ici, c’est simple : rien ne se perd, tout se recycle.

Illustration avec les déchets humides d’élevage ou de culture (maïs, etc.). Ils sont déposés dans le biodigesteur (90 tonnes), qui produit du biogaz et donne de l’énergie liquide. « C’est un cercle vertueux. Le biogaz produit ensuite de la lumière et devient source de chaleur. » Il alimente notamment un foyer qui recycle les sachets plastiques, sans rejeter de fumées toxiques. Sous l’effet de la chaleur, le plastique fond. La fumée passe dans un tuyau qui redescend vers le foyer et l’alimente. Des pavés de dallage sont ensuite obtenus en mélangeant le magma avec du sable fin.

De gauche à droite : le professeur Agbati ; le foyer de recyclage des sachets plastiques ; et le prototype de dynamiseur d’eau.

Des solutions accessibles à tous

Autre exemple avec les animaux élevés sur place : ils sont soignés grâce à des décoctions d’herbes cultivées par la ferme-école. « Ainsi, nous ne dépendons pas de la chimie vétérinaire. » Le professeur Agbati précise : « Nous faisons les choses de manière accessible pour que la vieille maman du village puisse s’en servir facilement. Nous formons des chefs de village à ces technologies, dans sept langues différentes et cinq pays (Togo, Bénin, Ghana, Sénégal, Cap Vert). Il faut que la vision agroécologique change au Togo. »

Dans ce but, la Feab accueille régulièrement des stagiaires, togolais et étrangers, et forme des centaines d’étudiants à l’université de Lomé. Elle est partenaire de près de dix universités en France (Aix-Marseille, Toulouse, Montpellier…). Des actions de sensibilisation dans les écoles togolaises sont aussi organisées. « Nous installons, chaque vendredi, un modèle de biodigesteur et de petits composts mobiles. Nous faisons aussi de l’éco-slam, des slams sur l’environnement. Mais le fondamental, c’est l’ami de tous les jours : Sichem. C’est comme une seule famille, avec, à la base, le Christ. Beaucoup de choses nous relient. Nous partageons la même philosophie du développement. »

« La terre d’ici est le paradis »

Sichem et l’Institut de formation de Fondacio (IFF) en Afrique sont partenaires de TMSU international et de la Feab. « Nous avons rencontré le professeur à l’ambassade de France », raconte Ferdinand Adindjita, directeur de l’IFF Afrique. « Il porte un message d’humilité et de modestie. » Sichem utilise les technologies développées par le professeur et ses équipes. Le centre a installé un biodigesteur. Il utilise des foyers améliorés (pour la cuisine), depuis deux ans.

« Sichem touche 11 villages et 60 000 ménages », poursuit Ferdinand Adindjta. « On peut y parfaire et vulgariser l’utilisation des foyers améliorés. Ce partenariat a beaucoup de ramification. » Lors du Congrès international de Fondacio au Togo, en mai 2023, l’eau a été purifiée avec des filtres mis au point par la Feab. Depuis sa création, il y a sept ans, ce dynamiseur d’eau est aussi utilisée par de nombreux centres de santé au Togo.

Antoine Dzama, chargé du suivi du Bureau Afrique et de l’IFF Afrique, raconte : « J’ai fait partie du Conseil de Fondacio, de 2001 à 2018. Après le Congrès aux Philippines, en 2018, je suis reparti avec la certitude d’être attendu là, sur le terrain. Je suis revenu à des convictions profondes : la terre d’ici est le paradis. J’ai trouvé chez moi ce que je cherchais partout. » Il ajoute : « Au Togo, nous disons qu’une source n’est jamais grande. La Feab est un lieu source. Elle puise dans les connaissances et le savoir de nos ancêtres, qui ont cultivé cette terre. Je prie pour que ce soit un lieu source pour Fondacio. »

« Suivre les principes utilisés ici »

Aujourd’hui, le professeur Agbati dénombre trois formes de bénéfices : écologique, économique et socioculturel. « Ce sont les trois piliers du développement durable. Sur le plan social, j’arrive à nourrir 300 jeunes par mois et à insérer des personnes sur le marché de l’emploi. Personnellement, cela m’apporte la paix intérieure. Nous sommes allés au-delà des challenges en travaillant de manière collégiale. La vie de l’homme est de dominer les défis, ensemble. C’est aussi partager les problèmes et les résoudre ensemble. »

Marc Bezançon, chargé de la Recherche de fonds internationale à Fondacio, confie, à l’issue de la visite de la Feab : « D’abord, je suis touché par l’effort d’imagination et de R&D pour bâtir des solutions opérationnelles et utiles pour tous. Puis je me dis qu’on est tellement en retard, en Europe, sur tout ce qu’il faudrait utiliser pour mieux traiter notre planète… On pourrait le faire si on suivait des principes utilisés ici. » François Prouteau, président de Fondacio de 2013 à 2023, complète : « On est mis sens dessus dessous. Charge à nous d’en faire un bon pain pour être de bons Terriens. »

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